Trump vs. le monde : La diplomatie à coup de tarifs

La diplomatie à coup de tarifs

Placements

Numéro 25-01
15 avril 2025
Trump vs. le monde

L’arrivée de l’administration Trump au pouvoir a entraîné une vague d’incertitudes, particulièrement en ce qui concerne la politique commerciale et les tarifs douaniers. Les méthodes employées, tout comme l'approche diplomatique de type bras de fer de M. Trump, ont déjà fait l'objet de nombreuses critiques. Dans cet article, nous proposons une analyse des événements actuels de manière théorique, en s'attardant aux causes qui les sous-tendent et à leurs impacts.

Comprendre les tarifs douaniers

Les tarifs douaniers ressemblent beaucoup à une forme de taxes à la consommation imposées par le pays importateur, payées directement par l’entreprise qui importe les biens. Cette dernière peut augmenter ses prix pour préserver ses marges, répercutant ainsi le coût sur le consommateur final.

Indirectement, le pays exportateur en subit aussi les conséquences et peut donc payer une partie de cette forme de taxe : le tarif élève le prix du produit sur le marché importateur, ce qui peut réduire la demande en fonction de l’élasticité-prix du produit. Pour compenser cette perte, l'entreprise qui exporte peut alors décider de baisser ses prix et implicitement ses marges bénéficiaires.

Bien qu’il soit impossible d’évaluer avec précision l’impact qu’auront les tarifs, les effets auxquels on peut s’attendre de façon générale sont les suivants :

  1. Les tarifs réduisent l'efficacité de la production à l’échelle mondiale, avec un effet stagflationniste (moins de biens produits et à des coûts plus élevés, le tout en raison d’une perte de productivité mondiale). Ils sont globalement déflationnistes pour le producteur, mais inflationnistes pour l’importateur qui impose les tarifs.
  2. Les tarifs protègent les entreprises locales de la concurrence étrangère et réduisent les déséquilibres commerciaux et financiers, limitant ainsi la dépendance aux productions et capitaux étrangers. Cela devient un atout en période de tensions géopolitiques, pour assurer une production nationale.

L’objectif des tarifs

Premièrement, il est important de noter que le gouvernement américain a connu une augmentation importante de sa dette et que celle-ci est considérée comme insoutenable à long terme par le "Congressional Budget Office" (voir Figure 1). Depuis les années 1970, les États-Unis affichent un déficit commercial annuel, un phénomène qui s’est accentué avec l’industrialisation rapide de la Chine au début des années 2000. Ce déséquilibre commercial découle en partie du fait que les États-Unis s’endettent pour consommer, tandis que des pays exportateurs comme la Chine — qui leur prêtent — accumulent des excédents commerciaux et dépendent de leurs exportations pour soutenir leur propre croissance économique.  

Figure 1 :  Dette fédérale détenue par le public

(Uniquement disponible en anglais)

Source : https://www.cbo.gov/publication/61172#_idTextAnchor038

Cette dynamique d’endettement a été possible en raison du statut du dollar américain en tant que principale monnaie de réserve mondiale, ce qui permet aux États-Unis de financer leurs déficits à des conditions avantageuses. Ceci dit, il est important de noter que les États-Unis, comme plusieurs autres pays développés, ont profité de la mondialisation, qui leur a permis de consommer à faible coût grâce aux importations. Cependant, dans un contexte de démondialisation croissante et de méfiance accrue entre grandes puissances économiques, ce modèle fondé sur des déséquilibres persistants semble devenir de plus en plus préoccupant.

Les récents tarifs douaniers marquent un tournant important. Ils visent à remettre en question un modèle économique mondial ayant persisté pendant plusieurs années dans lequel des pays exportateurs comme la Chine produisent à faible coût, exportent massivement — en particulier vers les États-Unis — et accumulent d’importants excédents, tandis que des pays importateurs – en particulier les États-Unis – s’endettent pour consommer.

Dans cette optique, l’objectif principal de l’administration Trump avec l’imposition de nombreux tarifs semble être triple : rapatrier une partie de la production manufacturière afin de respecter les promesses faites à sa base électorale, sécuriser les chaînes d’approvisionnement dans un contexte géopolitique de plus en plus incertain, et s’attaquer au problème structurel de l’endettement américain. Il s’agit d’un objectif périlleux, comportant de nombreux risques, et qui n’est pas sans conséquences. 

Conséquences jusqu’à présent sur les marchés financiers

Depuis le début de l’année, on observe une chute marquée des marchés boursiers, mais également des marchés obligataires américains et du dollar américain par rapport à un panier de devises étrangères - deux segments qui agissent habituellement comme valeurs refuges en période de turbulences. Le marché boursier canadien et les marchés boursiers internationaux n'ont pas été épargnés. Dans le contexte actuel, l'or semble d'ailleurs être le seul actif à jouer pleinement son rôle de valeur refuge. Cette tendance s’est particulièrement intensifiée après le 2 avril, jour dénommé « Liberation Day », alors que M. Trump a dévoilé une série de tarifs douaniers que les États-Unis entendent imposer à divers pays, les invitant à renégocier des conditions commerciales jugées « plus favorables ». La situation s’est aggravée lorsque la Chine a annoncé qu’elle répliquerait par des mesures de rétorsion.

Le tableau ci-dessous présente la performance de certains indices boursiers entre le début de l’année et le 10 avril 2025 :

Marché

Indice de référence

Année à date 2025
 jusqu'au 10 avril 2025

Après le 2 avril
(« Liberation Day »)
jusqu’au
 10 avril 2025

Actions américaines
($ US)
S&P 500-10,1 %-7,1 %
« Magnifiques 7 »
($ US)
FNB Roundhill Magnificent
Seven (MAGS)
-19,1 %-6, 7 %
Obligations du trésor
américain long terme ($ US)
FNB iShares 20+ Year 
U.S. Treasury Bond Index (TLT)
-1,0 %-5,5 %
Actions internationales
(Devises locales)
MSCI EAFE-4,3 %-7,4 %
Actions canadiennes
($ CA)
S&P/TSX-6,2 %-9,0 %
Dollar américain versus 
un panier de devises étrangères
DXY (ICE U.S. Dollar Index)-7,0 %-2,8%
Or
($ US)
GC (CME Group -
Contrats à terme sur l'or)
+18,3 %+0,5 %

Finalement, il convient de rappeler que la Chine exporte pour environ 550 milliards de dollars de biens vers les États-Unis (moyenne 2020 à 2023), tandis que les États-Unis exportent pour environ 150 milliards de dollars vers la Chine (moyenne 2020 à 2023). Ces chiffres soulignent l'importance de leurs relations commerciales bilatérales. Bien que cette confrontation ressemble à un bras de fer entre ces deux superpuissances, il est difficile de prévoir l’issue de ce conflit, ce qui contribue à accentuer la volatilité des marchés. Dans un contexte hautement incertain, l’importance de la diversification et de la gestion de risque a tout son sens, et il est primordial de garder le cap sur un horizon à long terme, puisque la volatilité risque de demeurer importante à court terme.

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